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SPRP  -   1 rue des Clercs  -   26100 Romans sur Isère.    Réunion au local le mercredi à 17 heures.

Gambetta à Romans

Jeudi 18 septembre 1878… Gambetta à Romans

                                                                                                                                                                         

 

Article tiré du Lyon Républicain

Dépêches de Nuit par fil télégraphique spécial

Echo de la journée d’hier

Romans, 18 septembre, 8h15 soir.

Lorsque Léon Gambetta vient à Romans, la Troisième République est encore toute jeune. Proclamée le 4 septembre 1870, elle doit faire face à de nombreuses difficultés. Le premier président de la République, Mac Mahon, est royaliste.

Des élections sénatoriales doivent avoir lieu en janvier 1879. Léon Gambetta, membre éminent de l’Union Républicaine, vient à Romans, invité par son ami, Isidore Christophle, député de la circonscription. C’est dans un climat électoral, qu’il prononce ce discours capital, appelé plus tard « discours de Romans », où il énonce les idées fondamentales de la Troisième République : armée, première préoccupation de l’état républicain, éducation mixte et laïque, liberté religieuse…A noter que, dans notre ville ouvrière, il ne propose pas de lois sociales.

       
 

«…Il faudrait un volume pour décrire toutes les manifestations, tous les incidents qui ont marqué la première journée du voyage de Gambetta, à Valence, le 17 septembre.

Jamais souverain n’a été l’objet d’innovations semblables à celles dont le grand citoyen a été accablé.

On eût chargé un fourgon des bouquets qui lui ont été jetés et des fleurs qui pleuvaient des balcons à son passage.

Des amis de Gambetta nous disaient qu’en aucun de ses voyages, dans nulle contrée et en aucune circonstance, il n’a été l’objet d’autant et de si vives marques de sympathies publiques.

L’illustre républicain était tellement touché de l’accueil qui lui était fait, qu’à plusieurs reprises nous avons vu jaillir des larmes de ses yeux.

Madier-Montjau (maire de Valence), qui n’a cessé d’être avec Gambetta, a partagé avec lui, cela va sans dire, les ovations populaires.

Particulièrement au banquet de Valence, Madier-Montjau a été acclamé avec un enthousiasme inénarrable.

Il faut dire que le discours qu’il a prononcé est un des plus beaux qu’il ait été donné d’entendre.

…/…

Gambetta qui avait applaudi Madier-Montjau plus fort qu’aucun de ses auditeurs, l’a embrassé avec effusion, au moment où il venait d’achever. »

  « Gambetta est sorti à dix heure du matin de l’hôtel de la Croix-d’Or, pour se rendre à la gare. Dés neuf heures du matin, une foule compacte formait une double haie .../…Au moment du départ du train pour Romans, Gambetta a été salué par des acclamations de la foule immense qui bordait la voie. »

       
 

Le train amenant Gambetta de Valence est arrivé un peu avant onze heures à Romans.

             « Les préparatifs faits dans cette ville pour la réception de Gambetta dépassent encore ce que nous avons vu hier dans toutes les localités visitées par l’éminent voyageur.

            Au sortir de la gare s’élève un arc de triomphe avec cette inscription : Soyez le bienvenu, Vive la République !

            La rue du faubourg Jacquemart où doit passer le cortège présente, sur une longueur de près d’un demi kilomètre une merveilleuse avenue de colonnades de verdure ayant chacune à leur sommet un drapeau tricolore.

Toutes les maisons de la même rue sont généralement pavoisées de la base au faîte. Le coup d’œil est féerique.
La suite de la rue du faubourg Jacquemart et la montée des Cordeliers que doit suivre Gambetta pour aller à l’hôtel Nagely où il descendra, présentent également un beau coup d’œil. Les maisons sont rares où ne flottent pas nos couleurs nationales.

A son arrivée à la gare, Gambetta est accueilli par les délégations municipales : le maire, les adjoints et le conseil municipal tout entier.

La Fanfare de Romans et la Fanfare de Bourg de Péage jouent tour à tour la Marseillaise et les Girondins.

Jean-Pierre Jules Rivoire, le maire de Romans, souhaite la bienvenue à Gambetta, dans les termes suivants : « Soyez le bienvenu dans cette cité républicaine, Monsieur Gambetta, vous qui avez rendu et rendez de si grands services à la République, vous qui déconcertez ses ennemis par votre fermeté et votre sagesse. Au nom de la ville de Romans, d’où est parti en 1789, le premier cri de liberté, au nom de cette population républicaine qui a fourni un des premiers bataillons  des volontaires de la première République, et dont le patriotisme ne s’est jamais démenti, je remercie cordialement le chef de la démocratie de sa bonne visite. »

M. Gambetta remercie en quelques cordiales paroles M. le maire de la bienvenue qu’il lui souhaite.

Puis il reçoit, des mains du délégué de la Fanfare romanaise, un magnifique bouquet que lui offre cette fanfare.

Trois jeunes filles, en robe blanche, avec des ceintures tricolores, ont, sous l’arc de triomphe, offert des  fleurs à Gambetta.

L’une d’elles lui adresse le compliment suivant : « Monsieur, c’est avec bonheur, que nous nous associons à la joie qu’éprouvent nos parents de recevoir au milieu d’eux, le grand orateur, le grand citoyen dont nous avons appris à répéter le nom avec reconnaissance et avec admiration. En vous  offrant ces quelques fleurs, nous prions Dieu de conserver longtemps à la République, celui qui a su si bien la défendre et qui saura aussi bien la diriger. »

 
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Photo de l’hôtel  de l’Europe, à droite, propriétaire Mr Nagely.

       
 

Après cette petite halte, au devant de la gare, le cortège s’est mis en marche pour se rendre, en traversant  la ville, à l’hôtel Nagely.

La foule était tellement compacte, qu’au dire des journalistes parisiens qui se trouvaient là, elle ne l’était pas davantage à Paris, le jour de la fête de l’exposition.

Gambetta est arrivé à l’hôtel presque porté en triomphe, et tellement harassé, qu’il s’est retiré immédiatement dans sa chambre pour y prendre  du repos avant la réunion publique, dans laquelle, à trois heures du soir, il doit prononcer son grand discours.

          Sauvegarde du Patrimoine Romanais et Péageois


 Jeudi 18 septembre 1878…L. Gambetta à Romans (2)

 

 
Article tiré du Lyon Républicain
Dépêches de Nuit par fil télégraphique spécial

Romans, 18 septembre, 8h15 soir.

« Il y a aujourd’hui à Romans, quarante mille personnes, sans compter la population locale, qui sont venues pour entendre le grand orateur. Il était impossible d’improviser une telle construction pour contenir tout le monde, mais on a fait le possible et même l’impossible.Samedi dernier, l’architecte de la ville de Romans, M.Bosonnat, s’est mis à l’œuvre et en quelques vingt quatre heures, il a improvisé à l’extrémité de la place d’armes, une salle couvrant 3.800 mètres de superficie. Cette construction, entièrement en bois, est un chef d’œuvre de charpente très curieux. Aussi vaste que l’Alcazar lyonnais, elle peut contenir dix mille personnes. La toiture, fort élevée, est soutenue par des centaines  de colonnettes en bois de sapin simplement écorcé. Cela forme comme une forêt sans feuillage d’un aspect un peu étrange, mais non point sans magnificence. La façade de cette construction est décorée de verdure. Une bonne part d’éloges revient également, à M. Broit, marchand de bois, entrepreneur qui a su faire exécuter si rapidement par ses ouvriers, très zélés, les plans si bien conçus de l’architecte. La façade de cette construction est décorée de verdure de sapin et de drapeaux tricolores. Au dessus de l’entrée, les armes et la devise de la ville de Romans.

  En face de cette entrée, au fond de la salle, s’élève la tribune d’honneur. Elle est décorée de verdure, de drapeaux, d’écussons portant les initiales R.F. Sur un fond bleu, semé d’étoiles d’or, un magnifique buste de la République se détache. Il y a sur l’estrade d’honneur, cent places réservées aux sénateurs, députés et autres notabilités politiques. Au devant de la tribune, des tables et des sièges réservés pour les cinquante à soixante journalistes qui sont venus pour prendre le texte du grand discours de Gambetta.

En somme, M. Bossonat a fait merveilleusement les choses, étant donné le peu de temps qu’il avait devant lui pour construire l’édifice. Nous devons faire aussi nos compliments à M. Rivoire, maire de Romans, à la municipalité toute entière et à la commission qui s’est occupée, avec grand zèle, des préparatifs de réception.
       
 
Par une affiche apposée il y a quatre jours, les habitants de Romans ont été invités à prendre part à la réception.

Chers concitoyens,

Monsieur Gambetta nous fait l’honneur de venir s’entretenir avec nous.Faisons, à ce grand citoyen, une réception digne de lui.Signée : Jaffre ainé, Joseph Bellier,Charbonnel, Magnan fils, Marius Charvin,Ferndinand Meysonnier, Premier fils.

Romans a répondu à l’appel de ces honorables citoyens. La réception de Gambetta a été splendide. Nos compliments à la démocratique population romanaise.

Quoique immense, la salle n’a pas pu contenir la foule désireuse d’entendre Gambetta. Dix ou douze mille citoyens se pressaient entassés et debout dans la vaste enceinte.L’entrée de Gambetta a été saluée d’un tonnerre d’applaudissements et de vivats. L’illustre orateur est monté à la tribune accompagné de M.Christophle, député de Romans, M.Madier-Montjau, député de Valence, Loubet, député de Montélimar et Malens, sénateur. M.Madier-Montjau porte à la main un bouquet tricolore qui vient de lui être offert.
       
 
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Place d’armes où fut construit l’édifice dans lequel L.Gambetta prononça  son discours.

 
Parmi la foule des notabilités politiques qui se pressent sur l’estrade nous remarquons :M.Lamorte, sénateur de la Drôme ; MM Boissy d’Anglas...Seignobos…députés de l’Ardèche ; Ferrari, député des Hautes-Alpes ; Thomson, préfet de la Drôme ; Duvernet, secrétaire général…Rivoire, conseiller général et maire de Romans…des conseillers généraux de la Drôme, et plusieurs conseillers d’arrondissements de la Drôme…La presse de Paris, de Lyon, de Marseille et de beaucoup d’autres villes était largement représentée par une quantité de rédacteurs et de sténographes.          

M.Malens, sénateur, auquel est confiée la présidence de la réunion, ouvre la séance par une chaleureuse allocution fort applaudie.

M.Malens a lu ensuite une lettre de M Chevandier, exprimant ses regrets de ne pouvoir se rendre à Romans…nombre de députés des départements voisins s’excusent également.

M.Malens cède la parole à M.Gambetta. Fatigué au début, l’orateur parle d’abord d’une voix éteinte. Sa parole

s’affermit ensuite. »

Dans un prochain article, nous présenterons quelques passages de cet important discours de Gambetta.

La Sauvegarde du Patrimoine Romanais et Péageois

 Jeudi 18 septembre 1878…L. Gambetta à Romans (3 et fin)

                                               

 
Article tiré du Lyon Républicain
Dépêches de Nuit par fil télégraphique spécialEcho de la journée d’hierRomans, 18 septembre, 8h15 soir.Discours
de
Léon Gambetta

Sténographie spéciale du Lyon Républicain.

       
 

            « Messieurs,

Il y a sept ans nous ouvrions, dans ce pays, une campagne de propagation, une campagne de démonstration au lendemain des désastres sans nom qu’avaient attirés sur nous, à la fois - il ne faut jamais l’oublier, le despotisme d’un seul, mais aussi la défaillance de tous - La France, désemparée, sans guide, sans ressource, sans aucun de ces leviers puissants qui, à un moment donné, permettent de soulever le monde, la France s’était livrée, je ne dirai pas au désespoir, mais à l’abandon d’elle-même.(Sensation). Elle avait nommé, vous n’oublierez pas dans quelles terribles épreuves, dans quelles angoisses, d’incertitude et au milieu de quel trouble, une assemblée qui ne ressemblait qu’à l’ancien régime, mais non pas à la France!(Bravos).Aussitôt réunie, cette Assemblée manifesta les sentiments qui l’agitaient. Elle fit part à la France épouvantée, de conceptions politiques qui avaient la prétention de la ramener presque un siècle en arrière. Mais ce jour-là, la France comprit la faute qu’elle avait faite. Elle se remit dans la vraie ligne de la tradition, et, dès le mois de mai 1871, dès le mois de juillet 1871, la France protesta, par ses élections municipales et partielles, de son ferme dessein de mettre un terme au mandat de l’Assemblée nationale.…/…« Ce jour-là, Messieurs, M.Thiers prononça un mot que nous recueillîmes : il  dit : « La France est livrée aux partis ; ils sont déchaînés les uns contre les autres ; ils sont inexorables, impitoyables pour elle. Savez-vous quel est celui qui finira par triompher et qui gouvernera ? Ce sera le plus juste et le plus sage (Bravos.) »… / … « L’armée doit être la première préoccupation des hommes politiques du parti républicain…Cette armée, expression fidèle de la Patrie ne doit plus servir que l’honneur et l’indépendance. Nous sommes partisans résolus de tenir l’armée hors de toute politique au dessus de la ligne des partis… (Applaudissements.)…/…« Je dis Messieurs que le devoir de l’État est de faire respecter toutes les religions, d’appliquer les lois et de supprimer les faveurs. Si on appliquait toutes les lois au clergé, tout rentrerait dans l’ordre en France… (Applaudissements.)…/…« Parlons maintenant de l’éducation publique. Il faut que tous les pouvoirs publics concourent à faire de la France le pays le plus instruit, le plus progressant, le plus artiste de toutes les nations. (Bravos prolongés.)Il faut que le rayon prestigieux de la science pénètre les cervelles les plus tendres. Il faut changer la formule des connaissances enseignées, changer les programmes, etc…Je parle pour les deux sexes sans distinction : filles et garçons ont besoin d’être unis par le même esprit avant d’être dans le cœur. (Applaudissements.)Je veux des écoles professionnelles à côté de l’instruction primaire. Je veux que l’instruction secondaire et l’enseignement supérieur soient donnés exclusivement par l’Etat. »…/… « Dans un pays où il y a 24 millions de propriétaires, il y a des problèmes intéressants pour l’agriculture et le commerce. Il faut que le gouvernement s’occupe des canaux, des chemins de fer, etc… Il faut créer la liberté commerciale.D’autres viendront après nous qui feront davantage : l’amélioration du sort des employés, le dégrèvement des impôts. »…/…« Nos adversaires s’épuisent à forger des candidatures à la présidentielle future ; laissons-les s’épuiser. Les républicains savent qu’il n’y aura à ce sujet dissentiment entre eux. (Triple salve d’applaudissements. Cris : Vive Gambetta ! Vive la République !) »
       
 
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Des applaudissements, des cris de Vive Gambetta, Vive la République, soulignent la fin de ce magnifique discours.

Après cette réunion, Léon Gambetta, épuisé par son admirable discours, n’a pu assister au banquet offert par la municipalité.

Ce banquet a eu lieu sans incident. De nombreux toasts ont été portés.

La place des Cordeliers avait été gracieusement décorée pour une fête du soir.

En face de l’hôtel-de-ville, dont chaque fenêtre était pavoisée, se dressait une estrade toute parée de tentures, de guirlandes, de feuillage, de drapeaux tricolores.

Sur un arceau, à l’entrée, on lisait en lettres d’or : Gambetta.

Les initiales R.F. sont également inscrites en lettres d’or à côté du nom de Gambetta.

Pendant la soirée, la Fanfare romanaise et la société chorale ont donné un concert brillant. Foule immense.

Ces mêmes sociétés ont offert un punch à Gambetta, au conseil municipal, aux sénateurs, aux députés et à tous les amis qui l’accompagnaient

Pierre Valin




La Sauvegarde du Patrimoine Romanais et Péageois