Pizançon
En cette année qui commence, nous allons vous présenter quelques articles écrits par H. R. sous une rubrique « Nos villages voisins ». Pour certains lecteurs, ce sera : - du déjà connu -, pour d’autres : - je ne me souvenais pas de ces détails - et enfin pour d’autres encore : -je ne savais pas - !
Tous ces « reportages », écrits par H. R. se trouvent dans les archives de l’Impartial des années 1960 / 1970. Ils sont retranscrits sans correction ni interprétation. Ils semblent parfois dépassés, mais ils sont le reflet d’un ½ siècle en arrière…
* PIZANÇON *
A l’origine, et sur une longue distance de la rive gauche de l’Isère, délimitée à l’Est par le « Riousset », qui passe à proximité du quartier actuel de « Canard », et à l’Ouest, jusqu’à ce qui est aujourd’hui le quartier de la Lune, ce territoire est couvert d’une forêt. Il est, comme le reste du pays, propriété des Empereurs d’Allemagne, mais Barnard, qui vient de fonder la collégiale de
Romans, s’y rend souvent pour y prendre du repos. A la suite de quelle circonstance, la terre en question entrera-t-elle dans le patrimoine de l’église de Romans, rien ne l’indique, mais cent ans après la mort de Charlemagne, sous le règne de Robert 1er, en l’an 924, la terre de « Pizançionio » appartiendra au Chapitre, en même temps que lui est remise l’église de Saint Michel. Toutefois ce lieu ne tardera pas à être disputé entre tous les seigneurs de la région et cette dispute durera 400 ans !
Pourquoi ce coin de pays excitera-t-il tant d’envie ?
Dès l’établissement du Chapitre, l’agglomération romanaise commença à se former. La construction d’un pont sur l’Isère apparut nécessaire : elle devait découler d’une initiative de même Chapitre. Il semble que le premier pont fut établi en l’an 1033. Les anciennes chroniques rapportent que ce passage fut plus tard emporté par une crue de l’Isère, qui causa des inondations catastrophiques, évènement qu’on appelle alors « le déluge de Grenoble (Gratianopolis) ». Un nouveau pont remplaça celui qui avait été en partie détruit par les eaux. Cette deuxième construction fut reconnue – loin à la ronde – comme le meilleur et plus rapide moyen de communication entre le Viennois et la Bourgogne d’une part, et le Valentinois et la Provence d’autre part. Ainsi, le pont de Romans, bien que propriété de l’Eglise, suscitait certaines convoitises, parce qu’il constituait, aux yeux des seigneurs de l’époque, une sorte de passage stratégique et représentait un précieux avantage militaire. Comme il n’y avait aucune possibilité de s’établir sur la rive droite de l’Isère, c’est vers la rive gauche de cette rivière que se portaient les regards. Car, autre avantage, on pouvait, de là, surveiller la navigation sur l’Isère.
Le Chapitre, selon une coutume alors répandue, devait dés le 11e siècle « inféoder » cette terre, tout en conservant la suzeraineté. Le seigneur vassal devait faire allégeance et « hommager » en l’église devant tout le clergé réuni. Cela donnait lieu à d’imposantes cérémonies avec grand déploiement de bannières et d’hommes armés. Mais les vassaux avaient quelque peine à maintenir les droits qu’on leur avait concédés. C’est ainsi qu’en 1100, Guillaume de Clérieux et Lambert François de Royans, qui tenait le fief de Peyrins, se querellèrent, ce qui entraîna l’intervention de l’archevêque de Vienne. Par la suite, Pizançon, à travers de multiples disputes, eut successivement pour seigneurs : Guigues IV, le Dauphin, les Lambert de Chabeuil qui furent plusieurs fois en guerre pour maintenir leur présence, les comtes du Valentinois, les Poitiers, seigneurs de Saint-Vallier-sur-Rhône et les seigneurs de Clérieux.
Durant ces années là, l’évêque d’Annecy, l’évêque de Valence (qui d’ailleurs revendiquait le fief) l’évêque de Genève, et le pape Urbain II intervinrent pour maintenir au Chapitre de Romans la haute main sur ces terres. Enfin au 13e siècle, pour mettre un terme aux rivalités, Pizançon fut divisé en deux moitié : la partie dite « poitevine »qui fut plus tard « adjugée »à Diane de Poitiers et la partie Delphinale (celle occupant le territoire actuel de Bourg-de-Péage.
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L’origine de nom de Pizançon a fait l’objet de quelques recherches de la part des historiens locaux. La plupart sont d’accord pour reconnaître, dans le nom en question, la racine « Pisé » laquelle en dialecte dauphinois, évoque un « mur établi au moyen de deux planches parallèles entre lesquelles on place de la terre argileuse qu’on bat fortement avec une massue ou un « pisoir ». Ce procédé de construction, ou cette manière de bâtir, a été largement pratiqué dans notre région, il y a quelques années. Quand au mot « pisé » il viendrait de « pisare » – piler, frapper en latin. En Espagne, on dit « pisar » et au Portugal : « pizar ».
Plusieurs localités ont tiré leur nom de ces appellations initiales. Par exemple : Les Pizes (près de Taulignan) et Pizieu (Isère). Il y a même, prés de Génissieux, un quartier appelé « Pizanza ».
Quant à la deuxième partie du nom de « Pizançon », c'est-à-dire « çon » il s’agirait d’une déformation de « cella » - maison ou de « son » qui voudrait dire « cours d’eau »…
Au 13e sièc le, ce fief est désigné sous le nom de « Pisanczan », mais jusqu’en 1880, on l’écrit sous la forme suivante « Pisançon » ? Comment s’est-il changé en Z ? On pense que cette transformation qui a donné le nom définitif, ne vient pas d’une décision officielle, mais simplement d’une fantaisie administrative, dont l’auteur est resté anonyme : un fonctionnaire se basant sur la sonorité du mot ayant, sans le vouloir, modifié l’orthographe séculaire du nom !
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Au 16e siècle, les membres du chapitre de Saint Barnard se déclaraient sujets et vassaux du seigneur roi et Dauphin, tout en restant propriétaires du mandement de Pizançon. En 1636, un arrêt du Conseil d’Etat du Roi Louis XIII réunit le Péage-de-Pizançon à Romans (ce qui démontre que le gouvernement français avec son projet de regroupement des communes, n’a rien inventé). Mais en 1680, Louis XIV étant sur le trône de France, un autre arrêt du Conseil d’Etat prononce la « désunion » du Péage-de-Pizançon avec Romans.
En 1626, un procès est ouvert au sujet de l’ « albergement » (droit régalien, c'est-à-dire autorisation de percevoir des taxes) du rivage de l’Isère. Ce fut un procès compliqué qui s’éternisa et fut renvoyé d’année en année…Il fut repris en 1710, jusqu’à la Révolution et se trouva définitivement classé et abandonné, à la suite de l’abolition des droits féodaux mais, dans cette procédure, le Chapitre ne devait plus rien recevoir, dès le commencement du 18e siècle.
Il nous faut dire quelques mots du « Château ».
Ce sera la suite du « reportage » de la semaine prochaine……….